Marie Jules Dupré - Gouverneur de l'île

Marie Jules Dupré
Du 4 janvier 1865 Au 23 octobre 1869

La réputation du capitaine de Vaisseau Dupré n'est plus à faire quand il arrive dans la colonie comme Gouverneur. Le marin et ses faits d'armes n'étaient pas inconnus des Réunionnais. Pendant la guerre franco russe le capitaine de Vaisseau Dupré eut l'occasion de révéler son génie créateur. Il transformera les énormes machines de guerre qu'il avait à commander en batteries flottantes. Le 17 octobre 1855 les Russes virent avec étonnement ces navires, qu'ils prirent pour des chalands, s'avancer vers le fort qui défendait l'entrée du Dniepr.

La paralysie fut alors totale quand ces bateaux sans mâts ni parois ouvrirent le feu de leurs 50 canons. En moins de trois heures la défense russe fut anéantie provoquant la reddition du Général russe et de ses troupes. Les batteries flottantes de Dupré étaient appelées à un brillant avenir.

C'est alors qu'il était chargé des opérations navales dans la mer des Indes que le Capitaine Dupré eut l'occasion de faire de courts séjours à la Réunion. En 1861 il est dans l'Océan Indien ; a la fin de cette même année il conclut un traité de commerce avec Madagascar ; en 1864 il rentre en France. Il est nommé gouverneur de la Réunion en octobre 1864.

En France, en 1867, un chirurgien natif de Saint Denis, rentre à l'hopital Necker ou il fera des decouvertes sur l'urologie : Felix Guyon, tandis qu'une artiste saint-pauloise se distingait au théatre : Blanche Pierson, future societaire de la Comedie Francaise.

Deux événements graves marqueront l'administration du Gouverneur Dupré :

- la nouvelle révolte des lycéens en mai 1866

- la manifestation du 2 décembre 1868 que des fausses manœuvres du brillantissime marin transformèrent en tragédie.

A l'origine de la première manifestation de lycéens sous Sarda Garriga il y avait la personnalité du proviseur : Théodore Drouhet. Dix sept ans vont alors s'écouler et les choses reprendront un cours plus normal et propice aux études jusqu'à ce premier janvier 1866 où un nouvel inspecteur de l'Instruction primaire est nommé : un certain... Théodore Drouhet. La promotion du Proviseur Drouhet est accueillie par les lycéens et les professeurs comme une délivrance qui est hélas pour eux, de courte durée !

Est alors désigné comme proviseur un professeur de lycée, Monsieur Oscar Klein. Cette nomination causa un vif émoi dans le corps professoral et ce pour deux raisons :

- le nouveau promu est une "personnalité plus que terne"

- il est le gendre de Monsieur Théodore Drouhet.

La quasi totalité du corps enseignant ne voulut pas voir dans la promotion de Monsieur Klein la manifestation de la sacro-sainte impartialité administrative.

Le climat va alors se dégrader très vite : des enseignants vont être révoqués, d'autres traduits devant la Commission de discipline pour avoir composé et fait circuler en ville une chanson sur l'inspecteur Drouhet.

A la suite d'une banale affaire de lycéens le 5 mai 1866, six élèves furent expulsés. Cette affaire servit de détonateur.

Le 7 mai, Théodore Drouhet obtient alors du gouvernement Dupleix, la révocation d'un professeur, la mise à la retraite d'office de trois autres et l'expulsion de quelques élèves. Une fois connues, ces mesures ne firent qu'accentuer le mouvement de révolte. La presse s'empara des événements et réclama une commission d'enquête chargée de faire toute la lumière.

Le lycée est fermé le 12 mai et Saint-Denis placée en état de siège pendant dix jours.

Puis, dans un souci d'apaisement, le Gouverneur amnistia les élèves expulsés et cassa l'arrêté du 7 mai. Les professeurs pourront reprendre leurs activités. M. Klein démissionna de ses fonctions de Proviseur. Sa démission est acceptée. L'inspecteur Drouhet se rend en mission en France. Le lycée rouvre ses portes le 11 juin 1866.

Les événements de décembre 1868 vont connaître eux une issue plus tragique.

Sur le plan politique depuis 1850 l'île est placée sous l'autorité du Gouvernement qui est investi de pouvoirs très étendus. Une telle situation va entraîner des dérives inévitables et mécontenter profondément la population qui n'aura de cesse de réclamer le suffrage universel.

Sur le plan économique, la situation n'est guère reluisante, l'agriculture traverse une mauvaise passe.

C'est dans ce contexte que va éclater à la fin de l'année une vive polémique entre trois journaux le Moniteur, et le journal du Commerce - journaux libéraux et anticléricalistes et la Malle organe du parti clérical et des Jésuites. La polémique fait rage quand se répand dans St-Denis, à la fin novembre, des bruits sur une affaire de mœurs dans laquelle est impliqué Monsieur Charles Buet rédacteur en chef du journal La Malle. Cette nouvelle va mettre le feu aux poudres.

Le 29 novembre a vingt heures près de trois cents personnes manifestent devant la demeure de Monsieur Charles Buet au cris de "A bas Buet !", "A bas la Malle !", "A bas les Jésuites !".

Les manifestants se rendent ensuite devant l'évêché puis devant l'Hôtel de la Direction de l'intérieur, le directeur de l'Intérieur Charles Gaudin de Lagrange était connu pour ses liens privilégiés avec le journal la Malle et les jésuites.

Le 30, des manifestants sont à nouveau devant la maison de Monsieur Buet pendant qu'un deuxième groupe s'attaque a la maison du propriétaire de "La Malle" et qu'un troisième saccage le collège des Jésuites.

Apprenant alors que des troubles viennent d'éclater à l'école professionnelle de la Providence le Gouverneur décide de s'y rendre mais chemin faisant il rencontre un brigadier lui assurant que tout est calme. Dupré décide de retourner à l'Hôtel du Gouvernement. C'est la première erreur du Gouverneur. Le face à face manifestants - troupe d'infanterie devant l'Ecole de la Providence va dégénérer. La troupe perd son sang froid et, sans sommation, charge les manifestants à la baïonnette, le calme ne revint qu'à une heure du matin.

Bilan : l blessé grave et 8 arrestations.

Le 1er décembre est une journée calme. Les dionysiens encore sous le choc de l'émeute de la nuit précédente font circuler des pétitions réclamant notamment :

- le renvoi de Mr Gaudin de la Grange

- l'expulsion des Jésuites.

Le 2 décembre souhaitant calmer les esprits, le Gouverneur décide d'organiser une démonstration de force. Il donne l'ordre de convoquer la milice pour seize heures trente pour la passer en revue. Mais estimant son ordre mal compris il reporte à vingt heures ce même 2 décembre la convocation de la milice. C'est le premier contre-ordre du Gouverneur Dupré.

Se rendant compte de l'heure tardive, le Gouverneur, une fois à son hôtel, décide de reporter la convocation au lendemain 3 décembre. C'est le deuxième contre-ordre du Gouverneur. Cette série d'ordres et de contre-ordres va entraîner la plus totale confusion, le moindre militaire expérimenté aurait pu le comprendre mais apparemment pas le Gouverneur Dupré.

Quand la population toute heureuse d'assister à la revue arrive sur la place de l'Hôtel de Ville elle se trouve en présence de :

- Monsieur Gaudin de la Grange,

- Monsieur Gibert des Molières, maire

- de la troupe d'infanterie et de son commandant le colonel Massaroli

Le Gouverneur était lui dans ses appartements.

Le maire a beau expliquer aux dionysiens que la revue est reportée au jeudi à dix huit heures, excités par les soldats armés ils refusent de bouger.

Le Directeur de l'Intérieur demande au maire de faire disperser la foule. Monsieur Gibert des Molières refuse et répond qu'il n'exécutera un tel ordre que s'il émane du Gouverneur.

Monsieur Gaudin de la Grange se rend à pied à l'Hôtel du Gouvernement faire un rapport au Gouverneur et obtient de lui l'ordre de faire disperser la foule après trois sommations réglementaires. Mis au courant peu après de la décision officielle du Gouverneur, le maire n'ose pas s'y opposer. Il est vingt et une heures trente. Ne comprenant pas la signification des sommations, la foule reste immobile. Les soldats chargèrent alors sur une foule désarmée. Ce fut une véritable boucherie. Relatant ces événements Henri Azéma rapporte que le Gouverneur jouait aux cartes quand il entendit les premières détonations. Les cartes, ajoute Azéma, lui seraient tombées des mains et il se serait écrié "quel malheur !"

Bilan de cette tragédie :

- une dizaine de morts

- une trentaine de blessés dont vingt-deux graves

- l'état de siège fut proclamé pour 5 mois

- Charles Gaudin de la Grange est muté en Martinique

- L'école de la Providence ferme ses portes.

La presse du chef-lieu a un bâillon sur la bouche. Un seul journal de la colonie se trouve en dehors de la juridiction de l'état de siège : Le Courrier de Saint-Pierre qui essaie de protester contre les événements avant d'etre suspendu pour un mois.

Gouverneur suivant : Louis Hippolyte de Lormel



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